Du 17 au 20 juillet 2025, Stéphanie Dalzon a eu la possibilité d’investir la galerie des Ateliers authentiques d’arts visuels avec une exposition de quatre œuvres majeures : Insoumise, Symbiose, Ancrage cosmique et Mémoire d’objectif. Cette exposition est une traversée sensorielle où la peinture devient une forme de langage hybride et dialogique pour communiquer une fin résolument thérapeutique.
Par Jobnel Pierre
Le parcours artistique de Stéphanie Dalzon s’est construit progressivement depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Depuis aussi longtemps qu’elle se souvienne, elle a toujours été incapable de résister à l’envie de gribouiller, même les esquisses les plus simples. Mais le moment décisif où elle s’est reconnue comme artiste a été son entrée à l’École Nationale des Arts de Port-au-Prince (ÉNARTS). C’est là qu’elle a compris que sa passion avait une voix et un langage propres capables de faire résonner le monde, ici et ailleurs.
La double appartenance de Stéphanie Dalzon
Stéphanie Dalzon avoue que son parcours migratoire, marqué par la résilience et l’adaptation, a enrichi la vision artistique qu’elle propose aujourd’hui. Elle a quitté Haïti en portant en son âme la volonté d’habiter le monde de la peinture. Sa migration au Québec lui a permis de confronter des réalités culturelles et émotionnelles différentes, donnant naissance à une sensibilité nouvelle dans ses créations.
Douée d’un grand sens d’observation, Stéphanie Dalzon crée des espace-temps dédiés à l’art pour concilier sa vie quotidienne et sa pratique. Cela s’avère parfois un défi pour elle, car peindre est une activité émotionnellement exigeante. Mais c’est aussi son refuge et sa façon de garder l’équilibre. Elle confie avoir été marquée par ses origines haïtiennes :
« Mes influences viennent à la fois de mes racines haïtiennes, des artistes haïtiens qui m’ont précédée, mais aussi de maîtres comme Frida Kahlo ou Jean-Michel Basquiat, qui ont osé transformer leurs douleurs et leurs luttes en un langage pictural universel. Chose certaine, ma famille et mes expériences de vie ont aussi façonné mon regard. »
La terre natale – Haïti – lui a transmis la chaleur, les couleurs tropicales, la force des symboles et des traditions. Et le Québec lui a apporté une profondeur introspective, une connexion avec la nature et une palette plus nuancée. Cette double appartenance laisse cheminer dans l’âme créatrice de cette peintre le désir de mélanger la lumière des tropiques avec l’énergie du climat québécois, concevant un langage visuel hybride et authentique.
Stéphanie Dalzon, artiste visuelle d’une fine pensée picturale, sait jongler avec ses toiles pour créer des émotions et faire vivre un dialogue identitaire. « Mes toiles transmettent à la fois force douce, fierté identitaire et introspection. Chaque œuvre est un miroir d’émotions intérieures, parfois contradictoires, que j’accepte de laisser transparaître. Je laisse les émotions me guider à travers des gestes spontanés, des textures rugueuses ou des couleurs saturées », livre-t-elle sans réserve.
L’acte de peindre comme miroir de la société
L’une de ses œuvres que certains trouvent déstabilisante est Ancrage cosmique. Celle-ci exprime une vulnérabilité que l’artiste n’avait jamais osé dévoiler auparavant. Ancrage cosmique, autoportrait exceptionnel et unique en son genre, valorise sa quête d’appartenance et de connexion. Et c’est au moyen de ses différents autoportraits qu’elle recrée son appartenance au fil de ses coups de pinceau.
Le visage et le corps sont des vecteurs universels d’émotion chez Stéphanie Dalzon. Un regard, une posture ou même une ombre peuvent en dire plus qu’un long discours. Cette artiste visuelle utilise le visage comme canal pour entrer en communication avec le monde à travers sa peinture. On dirait un mélange à trois dimensions. Car si ses émotions sont sa première source, elles se nourrissent aussi des récits des autres, des blessures collectives ou des rêves partagés. Parfois, elle invente même des scènes symboliques pour exprimer des vérités plus universelles.
La création artistique de Stéphanie Dalzon est à la fois un outil d’expression thérapeutique et un moyen de communication. « Je crois profondément au pouvoir thérapeutique de l’art, explique-t-elle avec brio, car j’en fais moi-même l’expérience à travers ma peinture. Une œuvre peut devenir un miroir permettant au spectateur de se libérer ou de se réconcilier avec ses propres émotions. Certaines de mes créations naissent directement de mon état d’âme tandis que d’autres sont portées par une intention précise, comme une invitation à la méditation ou au dialogue intérieur. »
L’œuvre de Stéphanie Dalzon constitue une forme de dialogue intime et mémoriel. Elle fait surgir des visages étonnants, des silences et des éclats de liberté. En elle se croisent les tonalités de l’intime et de l’universel. En elle s’accordent un monde à refaire et un monde nouveau. Il s’agit donc d’une parole picturale forte et libre. Une œuvre essentielle, tel un poème de combat !


