Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, la Bibliothèque Julio-Jean-Pierre de Montréal-Nord accueille, du 15 janvier au 3 mars 2025, une exposition collective organisée en collaboration avec Espace d’Expressions et de Création. Réunissant une pléiade d’artistes aux pratiques variées, cette exposition explore l’héritage de divers styles et expressions picturales.

Par Jobnel Pierre

Le commissaire de l’exposition, Joseph André, a su rassembler des œuvres qui témoignent de la variété des perspectives et des expériences des artistes de la diversité montréalaise : Tresor Mukonkola, Rachel Chavannes, Frantz Louis, Marie Sisley Chancy, Gerda Crepsac, Nadia Ben Chekroune, Joseph André, Eneida Hernandez, Edzer Prophète, Pierre-Richard Delcy et Gregory Jean-Baptiste. Chaque œuvre exposée se veut une fenêtre sur des récits personnels et collectifs, abordant des thèmes tels qu’identité, résilience et célébration culturelles.

Un éventail de styles et de médiums 

L’exposition déploie un éventail de choix et d’approches artistiques, oscillant entre portrait, nature morte, abstraction et narration visuelle, reflétant ainsi la pluralité des identités et des récits picturaux. Chaque artiste s’inscrit dans une dynamique collective où le passé, le présent et l’avenir s’ouvrent à une esthétique de l’invariabilité.

André Joseph, avec ses œuvres en mixte média sur toile, fusionne textures et couleurs pour construire des récits intimes et universels. Le travail de ce peintre ingénieux scrute les superpositions de matériaux pour créer ainsi une densité visuelle. En superposant différents matériaux et médiums, André Joseph réfère à une expérience visuelle et tactile. Il questionne la notion de transformation et de résilience, faisant écho aux thèmes du Mois de l’histoire des Noirs.

Frantz Louis, à travers ses peintures à l’huile sur toile, démontre une maîtrise technique remarquable. L’œuvre picturale qu’il donne à voir à la bibliothèque dégage une visée chromatique contemplative. Il joue avec la lumière et les contrastes pour récréer des figures teintées de spiritualité. Il s’amuse avec des couleurs expressives pour capturer des émotions brutes et puissantes.

Edzer Prophète, Rachel Chavannes et Marie Sisley Chancy explorent chacun une palette vibrante où le mouvement et la symbolique prennent une place importante. Travaillant l’acrylique sur toile, ces artistes évoquent des paysages intérieurs et extérieurs où les souvenirs et les réalités contemporaines se croisent.

Par son approche sensible et poétique, Nadia Ben Chekroune interroge l’identité et l’appartenance dans un monde en perpétuelle mutation. « Une autre femme » est une peinture acrylique intéressante et admirable qu’elle a exposée dans les locaux de la bibliothèque Julio Jean-Pierre à Montréal-Nord. 

En imprimant sa photographie sur du carton, Grégory Jean-Baptiste crée une tension entre l’image capturée et une sorte de support évocateur de la précarité et de l’usure. La lumière et les contrastes y jouent un rôle essentiel, entérinant la dualité entre l’instantanéité du cliché et la dégradation progressive du carton.

Eneida Hernandez valorise les matrices allusives elles-mêmes. Elle propose une réflexion sur le geste artistique et sur la répétition comme principe invariable de l’art imprimé. Les reliefs et les traces laissées par l’encre témoignent du temps et du labeur nécessaires à la création, modifiant ainsi ces matrices en objets d’art autonomes.

L’approche de Gerda Crepsac est marquée par une gestuelle énergique et une palette vibrante. L’usage du carton qu’elle priorise comme technique ajoute une dimension tactile à ses compositions abstraites, où les couches de peinture interfèrent avec la texture irrégulière du matériau. Son travail évoque un dialogue entre contrôle et spontanéité, rigidité et fluidité.

Créer un dialogue entre héritage et modernité

Ce qui frappe dans cette exposition, c’est la manière dont chaque artiste parvient à conjuguer son héritage culturel avec une esthétique contemporaine, dite esthétique invariable. Les œuvres ne se contentent pas de représenter l’histoire, elles la réinterprètent au moyen de prismes personnels et actuels. Certaines œuvres sont plus narratives, plus évocatrices et plus porteuses de luttes et de souvenirs collectifs. Tandis que d’autres adoptent une approche plus symbolique, laissant place à l’interprétation propre du spectateur.

Dans cette exposition, la capacité des artistes laisse observer un dialogue entre héritage et modernité. L’histoire des différentes œuvres, marquée par des luttes et des résiliences, est omniprésente et loin d’être figée. 

L’exposition bénéficie d’une scénographie sobre mais active. Cette scénographie valorise chaque œuvre sans la noyer dans un excès de mise en scène. De plus, la lumière est intelligemment utilisée pour soutenir les textures et les contrastes des toiles, restituant ainsi l’impact visuel des créations.

L’exposition invariablement est à la fois une vitrine artistique, un hymne à l’héritage culturel et à l’engagement de ses artistes montréalais d’origines diverses. Elle est une réflexion sur la diversité artistique et les multiples facettes de l’expérience de ses artistes. Une exposition à voir absolument pour quiconque s’intéresse à l’art comme vecteur de mémoire et de dialogue interculturel.

En sortant de cette exposition, l’observateur part avec une vue renouvelée sur les récits et les imaginaires croisés des œuvres de ses artistes. Invariablement est une exposition engagée, nécessaire et inspirante, qui s’inscrit pleinement dans les célébrations du Mois de l’histoire des Noirs à Montréal.