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    Le riche legs musical de «Dadou» Pasquet*

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    Créateur d’une texture musicale éclectique, perçue même trop substantielle, André «Dadou» Pasquet s’est éteint, le 23 novembre 2025, aux États-Unis. Élégant jusqu’à son dernier souffle, il s’est assuré de téléphoner quelques proches, notamment Nestor Azerot, son collaborateur depuis quarante-cinq ans, pour leur dire au revoir. Retour sur le legs musical aussi riche que diversifié de l’érudit musicien haïtien.      

    Par Pierre-Raymond Dumas

    Né le 19 août 1953, André «Dadou» Pasquet dont on mesure mal l’importance est sans conteste l’un de nos plus grands musiciens, en tous points, l’un des plus innovateurs. La sensualité de sa musique recourt à la vitesse, à la joie de vivre ou aux sentiments malheureux, sans complaisance pour le public. C’est un créateur entier, authentique.

    Son expérience de cinq années au sein du Tabou Combo au début des années 1970 en est le tout premier abrégé : en compagnie de Shoubou (Roger Eugène), Yvon «Biassou» Mondésir, il forma un trio vocal impressionnant qui contribua, aussi bien comme compositeur et arrangeur que comme guitariste, au succès de quatre albums emblématiques (Canne à sucre, Respect, 8th Sacrement, The masters).

    Tous les mélomanes haïtiens se sentaient séduits, même les plus difficiles, même les plus traditionnels, les plus grincheux, les plus fermés.

    Le sentiment dynamique de l’âme haïtienne trouvait là un aboutissement et un nouveau souffle. Si cette expérience lui a laissé un goût amer – son talent précoce et sa virtuosité de guitariste, façonné par ses oncles Dodof (Rodolphe), Richard et Alexandre Legros), ont été enrichis et appréciés par des auditoires avertis et exigeants.

    Magnum Band : la seule différence

    Le Tabou Combo de Herman Nau, de Yves «Fanfan» Joseph, Dof Chancy, de Ernst Marcelin, de Yvon Ciné, de Yvon «Kapi» André, de Jean Claude Jean était déjà un label de haute voltige ! Guitariste surdoué dont le potentiel fulgurant fut remarqué par d’illustres devanciers (Raymond Sicot, Raoul Guillaume, Richard Duroseau), devenu le plus avant-gardiste des guitaristes haïtiens, il fonda le 24 juin 1976 son propre groupe : «Magnum Band» (La seule différence).

    L’espace conquérant de Magnum Band allait redonner à Dadou Pasquet, qui a étudié au Staten Island College (États-Unis), sa dimension ambitieuse : la puissance de sa créativité, sa volubilité séduisante, son charisme expérimental influencé à la fois par la tradition des rythmes locaux ou caribéens (reggae, calypso) et la modernité issue du jazz, du blues, du funk, etc. Mais il a su faire un étonnant travail de fusion entre un konpa rythmique bondissant et des paroles tout aussi signifiantes, particulièrement éloquentes : «Expérience», «Jéhovah», «Grann», «Chèche lavi», «Island», «The best in town», «Sans frontière», «Okay», «Révélation», «Adoration», «Pure gold», «Congo nan vodou», «Paka pala», «Dife», «Pike devan», «Ashdei», et j’en oublie. La cause est entendue, mais l’obsession de ce satané perfectionniste est de rendre la médiocrité des uns plus spectaculaire, les vedettes déguisées et superficielles plus détestables encore, et de faire oublier tout ça à travers sa musique, travaillée et entraînante, oui, dansante à mort !

    Dans l’album intitulé «30 ans/Magnum Band, la seule différence» (2007), paru après l’album, «Les archives de Dadou Pasquet» (1998), on retrouve maints succès précédemment cités. La quête est longue. Ce n’est pas une mince affaire que de faire apparaître l’œuvre de Dadou Pasquet dans sa succession panoramique, et de mettre en évidence une richesse éclatante là où, succès après succès, tournée après tournée, on ne percevait que morceaux éclatés, tentatives incessantes, adaptations et interprétations à satiété des succès étrangers, prouesses décalées.

    Manifestations divines

    Comme ces mystiques fascinés par plusieurs religions et/ou manifestations divines (christianisme, vaudou, islam), imprégnés de visions fiévreuses, Dadou Pasquet, qui a pour méthode de tout peaufiner, représente lui-même un être en devenir, un prophète dans son pays. À écouter les musiciens actuels, dont bon nombre ne sont pas de véritables artistes, on a souvent l’impression que la sono à haut débit n’est que l’alibi d’un certain crétinisme générationnel, et l’infantilisme thématique, le résultat d’une régression sans fard. Encore une fois, on a affaire avec un de ces passionnés dispensateurs d’instants de plaisir et de grâce, avec Dadou Pasquet à qui la postérité réservera à coup sûr une prodigieuse ascendance.

    *Ce texte de notre collaborateur Pierre-Raymond Dumas a été originellement publié, le 28 août 2014, dans Le Nouvelliste (Haïti)  

     

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