Marcline Armony travaille à temps plein. Et trouve le moyen de s’investir à temps… infini dans une constellation de projets qui font briller les femmes et le patrimoine haïtien à Montréal. Portrait d’une quadragénaire qui a poussé au maximum l’art d’allonger ses journées.
Par Marie-Carole Daigre
Tout en occupant un emploi dans le réseau de la santé québécois, Marcline Armony signe des collections de robes en crochet entièrement faites à la main. Elle souhaite ainsi non seulement représenter la féminité haïtienne, mais aussi redonner ses lettres de noblesse à une pratique quelque peu délaissée.
« À Haïti, l’apprentissage du crochet était obligatoire dans les écoles dirigées par les religieuses, rappelle-t-elle. C’est là que j’y ai été initiée. »
Or, si le crochet était autrefois une affaire de grand-mères et de couvertures pour bébés, Marcline signale que l’on voit maintenant des célébrités – Taylor Swift et Martha Stewart sont du nombre –s’afficher en bord de mer ou à un mariage portant une création au crochet.
« Les créations au crochet que je propose dans La Duchesse Collections, c’est bien plus que de la laine et des aiguilles, assure notre interlocutrice. C’est un art pur que je veux non seulement ranimer, mais pousser à un plus haut niveau de fashion. Car on peut faire du “haut crochet” ! Je signe donc mes propres collections, dont chacune porte un nom créole ou celui d’une héroïne de la révolution haïtienne. »
Une machine à tricoter
Marcline fait aussi revivre ce travail d’aiguille traditionnel en animant des ateliers idoines dans le cadre du programme parascolaire d’une école secondaire de Montréal. « Au début des inscriptions, la réaction était un peu timide, mais maintenant, il y a des jeunes qui viennent même se perfectionner ! » se réjouit-elle.
Mariée et mère d’un bambin de six ans, Marcline ne s’arrête pas là. Arrivée il y a moins de cinq ans d’Haïti — où elle était infirmière responsable d’un programme mère-enfant pour le compte d’une ONG —, notre tricoteuse professionnelle est aussi artisane en surcyclage ! Cela l’amène à transformer en articles utiles ou décoratifs des objets ou matériaux destinés à être jetés, par exemple des bouteilles de vin vides. Sa façon de donner un petit coup de pouce à l’environnement…
Infatigable, elle alimente également de façon soutenue une page Web, où elle fait notamment briller d’autres entrepreneures comme elle. « J’aime donner de la lumière aux autres femmes. Car c’est bien simple : on sait qu’il n’y aurait plus de guerre si on laissait les femmes gouverner ! dit-elle d’un ton calme, mais ferme. Il est temps que les femmes ne se satisfassent pas des miettes. »
Elle trouve en plus le temps de faire du bénévolat pour la Compagnie Théâtre Créole de Montréal, un OSBL qui soutient la diversité en diffusant des arts de la scène d’ici et d’ailleurs ! Elle en assure la promotion sur les réseaux sociaux et va jusqu’à voir à l’accueil les soirs de représentation.
Qui a dit qu’il n’y avait que 24 heures dans une journée ? Sûrement pas Marcline Armony !
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Ces femmes ramenées dans la lumière « L’histoire a tendance à oublier les héros féminins, constate Marcline Armony. Pourtant, bien des femmes ont bataillé aux côtés de nos personnages historiques masculins. Sanite Bélair, par exemple, a participé aux côtés de son époux Charles Bélair aux combats pour l’émancipation, habillée comme nos anciens soldats ! On étudie bien sûr un peu le parcours de ces femmes, mais bien souvent on n’en connaît que des bribes. » « C’est aussi pour faire revivre la mémoire d’une grande femme haïtienne que j’ai créé la robe Félicité, du nom de l’épouse de l’empereur Jean-Jacques Dessalines. C’est clair : derrière tout grand homme, il y a une grande femme ! » Pour Marcline, la plus belle récompense, c’est de voir son message être entendu. « Mes publications sur les réseaux sociaux suscitent la curiosité, dit-elle. Les gens demandent “Mais qui est cette femme habillée en crochet ?” Je suis fière de montrer que nous, les femmes, nous pouvons être sur le terrain et entreprendre des choses, et pas seulement dans la cuisine. » |
Photos : Michel Vallon
La Duchesse Collections : https://laduchessecollections
Page Facebook: Marcline Armony