Dans son recueil de poésies Le Taboo d’une génération, Garnel Pierre jette un regard lucide et sans complaisance sur les maux de la société contemporaine.
Par Donald Dorléant
Entre cris et révoltes, le poète traite de thèmes fréquemment mis sous silence : la perte de repères, l’errance spirituelle et le désespoir social. Dans une langue à la fois impétueuse et poétique, Garnel Pierre cherche à briser le tabou d’une génération livrée à elle-même. Et conséquemment, les lignes suivantes tendent vers l’étude du message social porté par son œuvre poétique et sa richesse langagière.
L’œuvre, par sa socialité et sa densité poétique, frappe par la radicalité de sa critique sociale. Garnel Pierre nomme, accuse et interpelle : « Haïti n’est qu’un arbre fruitier où ces carpocapses se nourrissaient principalement de la chair de ses fruits succulents » (p.55).
Il donne une voix aux jeunes confrontés à un monde où l’authenticité se dilue dans les apparences. À travers ses vers, il aborde le religieux, les blessures d’enfance, l’addiction aux écrans et la perte de spiritualité. Ce poète adopte une posture de prophète moderne, soucieux de prévenir une société aveugle à sa propre chute.
Le Taboo d’une génération de Garnel Pierre, écrit en français et en créole, est un témoignage poétique vigoureux. Il explore les tensions, les douleurs et les espoirs d’une génération marquée par les crises sociopolitiques d’Haïti. Dans Le Taboo d’une génération, le poète restitue le vrai sens des silences collectifs et des blessures enfouies que traîne la jeunesse haïtienne derrière elle : il y évoque une société en déséquilibre, où les rêves sont brisés par la réalité.
Ce recueil est divisé en plusieurs sections les unes plus marquantes que les autres. La section « Moi » poursuit une introspection en construisant un « je » écartelé entre l’aliénation et le désir d’exister pleinement. La section « Mes observations », quant à elle, adopte une posture critique, presque journalistique, face aux injustices et à l’absurdité du quotidien. Cette section garde un ton poétique teinté de lucidité et de résilience.
Avec « Petite étoile filante », Garnel Pierre offre une métaphore poignante de la brièveté de la vie et des espoirs fugaces de l’existence humaine. Le poème évoque la beauté éphémère, la fragilité des destinées, mais aussi la force des rêves. Dans « Mon bon vieux pays », le poète exprime un amour profond et douloureux pour Haïti, jonglant avec colère et nostalgie, dans une langue vibrante de sincérité. Et, finalement, « Ma Mélodie » propose un moment plus intime, où la poésie devient refuge contre le tumulte extérieur. À travers ces six sections, Garnel Pierre mêle habilement français et créole pour capter la complexité d’une identité en quête de sens.
Avec Le Taboo d’une génération, Garnel Pierre propose une œuvre percutante et audacieuse. En mêlant dénonciation sociale et souffle poétique, il propose une voix forte et nécessaire dans le paysage littéraire de la littérature haïtienne de la diaspora. Et à qui veut l’entendre, cette œuvre poétique s’impose comme un cri du cœur, un appel à la prise de conscience, et une invitation à ne plus détourner le regard. Garnel Pierre accomplit donc ce que la poésie a de plus noble : mettre des mots sur les douleurs muettes d’une génération en crise.


