S’il a toujours eu la culture et la littérature dans la peau, la vie en a voulu autrement. Mais le destin a décidé que ce ne serait que partie remise. Après avoir étudié en droit, obtenu une bourse de l’Université Laval pour se perfectionner au Québec et créer il y a trois ans l’organisme immiGrand qu’il dirige toujours, Marc Emmanuel Dorcin revient à ses premières amours pour se concentrer pleinement à sa maison, les Éditions Dorcin.
Par Marie-Carole Daigle
« À Haïti, mon père espérait que je fasse comme lui des études en droit. Mais moi, mon dada, c’était la littérature, confie le quadragénaire maintenant installé à Montréal. Depuis 2007, j’animais déjà Le Cercle du livre sur Radio Vision 2000, une émission consacrée aux livres et aux auteurs. À mon arrivée au Québec en 2011, j’ai en quelque sorte opté pour le meilleur de deux mondes en faisant une maîtrise en droit de la propriété intellectuelle, dans le but de m’occuper de dossiers touchant le statut des artistes. »
« Tout ce temps, le désir de renouer avec ma véritable passion – l’écriture et la littérature – ne m’a jamais vraiment quitté, poursuit-il. Mais le micro comme le droit ne font pas toujours vivre son homme ! Ça ne m’a cependant pas empêché d’observer… » Il dit avoir ainsi découvert un incroyable foisonnement de talents au sein de nos communautés culturelles.
« Des voix fortes, singulières, mais trop peu entendues. En 2020, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. Leur offrir plus de visibilité ! »
Les Éditions Dorcin privilégient une approche guidée par le désir de rendre l’édition plus accessible plutôt que par la seule recherche du profit. D’où le choix assumé du statut d’organisme à but non lucratif. « Voilà déjà un an que je travaille en coulisses pour concrétiser ce projet. Sur la planche à dessin : non seulement l’étude des livres à paraître par le comité de lecture, mais aussi le lancement de deux podcasts et le développement de quelques collections ciblées, énumère notre interlocuteur. Notre organisation est jeune, mais très ambitieuse ! » La première collection, Multitudes, est consacrée aux essais – principalement issus de travaux universitaires réalisés en Haïti ou en Afrique puis retravaillés sous forme de livres grand public. Une deuxième collection, Encre noire, est consacrée à la poésie et donne la voix aux minorités culturelles, trop souvent absentes du paysage éditorial.
Parmi les projets qui lui tiennent à cœur, Marc Emmanuel Dorcin évoque celui de faire revivre les précieuses entrevues qu’il a menées avec des auteurs haïtiens dans le cadre de son ancienne émission Le Cercle du livre. « Avant de quitter le pays, j’ai eu le réflexe d’emporter avec moi certaines archives, raconte-t-il. En les réécoutant, j’ai été frappé par leur intemporalité. Le monde a changé, certes, mais la parole, elle, traverse le temps. »
Le deuxième balado, Livre-toi, dont le lancement est prévu pour cet été, met en lumière de jeunes écrivaines francophones. « En offrant ainsi un espace d’expression à ces voix émergentes, nous contribuons non seulement à la valorisation de la diversité, mais aussi au rayonnement de la langue française. « C’est, à mes yeux, une mission double : culturelle et sociale. »
| D’autres façons de s’engager
Ce n’est pas d’hier que Marc Emmanuel Dorcin souhaite braquer les projecteurs sur les gens qui nous arrivent d’ailleurs. « Les défis auxquels ils font face vont bien au-delà de la simple barrière de la langue ou de l’isolement social et même parfois du racisme, rappelle-t-il. Au plus fort de la pandémie, nous étions quelques amis qui ont créé un espace d’échange et de partage d’information pour qu’il soit plus facile d’escalader toutes les barrières qui se dressent devant un nouvel arrivant. « Notre réseau ne vise pas à reproduire ce qui se fait déjà, mais à renforcer l’estime de soi et l’épanouissement socioéconomique de nos membres. On veut leur donner des outils nécessaires pour valoriser pleinement leurs compétences plutôt que de les laisser inexploitées », précise le cofondateur de l’organisme. C’est ainsi qu’est né immiGrand, qui va notamment mettre en vedette « nos étoiles venues d’ailleurs » (N.E.V.A.). Chaque année, le concours N.E.V.A. récompense quatre personnes issues de l’immigration dont le talent ou l’engagement communautaire ou politique peut inspirer les jeunes. « Nous avons les ressources humaines pour diversifier nos interventions et restons ouverts à lancer de nouveaux programmes si les instances gouvernementales nous fournissent le soutien financier nécessaire », souligne l’actuel président de l’organisme, qui prévoit de transmettre le flambeau à la relève cet automne. Éditions Dorcin : editionsdorcin.org immiGrand : immigrand.org
|


