Par Bélizaire Raphaël
La crise politique et sécuritaire en Haïti a poussé de nombreux artistes à fuir leur terre natale pour s’établir à l’étranger. Parmi eux, Watson Joseph, bassiste haïtien, a trouvé refuge au Canada, tout en continuant à représenter la musique haïtienne sur la scène internationale.
Originaire de Grande-Savane, une bourgade d’Haïti, Watson Joseph a été introduit à la musique dès son plus jeune âge grâce à son cousin et son oncle, musiciens dans une église locale. « C’est là que tout a commencé », se souvient-il. Bien qu’attiré par la batterie, c’est la guitare basse qui l’a captivé, notamment grâce à son ami d’enfance bassiste et son mentor, feu Jean Philippe Augustin. Dans ce cadre spirituel, il a appris la puissance émotionnelle de la musique, un élément clé de son style distinctif.
Collaborations qui ont défini une carrière
Après le tremblement de terre de 2010, Watson a décidé de se consacrer pleinement à la musique. Sa rencontre avec Mikaëlle Aimée Cartrigth a été décisive car elle lui a offert sa première guitare basse, marquant un tournant dans sa carrière. Il a ensuite collaboré avec des artistes haïtiens de renom et rejoint le groupe Vibration Compas, où il a évolué sous l’influence de musiciens comme Alfred Vaillant, entre autres. « Frédo m’a aidé à entrer dans ce groupe. Sans lui, je n’aurais peut-être jamais eu cette chance », confie-t-il.
D’Haïti au Canada, en passant par le Portugal et Cuba, Watson a participé à de nombreux festivals. Grâce au soutien de Wesley Louissaint, il a rapidement gagné en visibilité au Canada, et ses collaborations l’ont propulsé sur la scène internationale. « Ce qui me frappe le plus, c’est la manière dont la musique haïtienne touche les gens, même s’ils ne comprennent pas les paroles », dit-il fièrement. Ces expériences lui ont permis d’intégrer des influences africaines et de perfectionner son jeu.
Représenter la musique haïtienne sur les scènes internationales est un devoir pour Watson. « Je me vois comme un ambassadeur de la musique haïtienne. Chaque concert est une opportunité de faire découvrir notre culture », affirme-t-il.
La musique carnavalesque haïtienne est un autre domaine où Watson a marqué son empreinte. Il a collaboré avec le groupe Brothers Posse et a particulièrement apprécié sa participation avec Barikad Crew au carnaval des Gonaïves, un événement qui reste gravé dans sa mémoire. « C’était magique, une énergie folle. Cela m’a beaucoup appris sur le pouvoir fédérateur de la musique ».
Quête d’évolution
Reconnu pour sa capacité à s’adapter à tous les styles musicaux, Watson a élargi son réseau en travaillant avec des artistes africains et québécois. Depuis son arrivée au Canada en 2019, il a intégré des influences africaines dans son jeu, enrichissant ainsi son style. Il est aujourd’hui membre de l’Association des musiciens professionnels du Québec et du Canada. Cette flexibilité lui a valu d’être sollicité par divers artistes, notamment dans les communautés africaines de Montréal.
Watson collabore actuellement sur le titre « Télama » de l’artiste congolais Joyce N’Sana. Un projet qui témoigne de sa diversité musicale. « J’aime travailler en coulisses, mais je rêve de réunir plusieurs artistes pour créer un projet qui restera pour la postérité », a déclaré le bassiste. Bien qu’il n’envisage pas de rejoindre un groupe Compas pour l’instant, il reste déterminé à conserver sa liberté artistique.
Pour Watson, la musique est bien plus qu’un métier, c’est une mission. « Haïti me manque beaucoup. Un jour, je reviendrai jouer devant mon peuple », dit-il, se voyant toujours comme un ambassadeur de la culture haïtienne, prêt à faire rayonner son pays malgré les défis.
S’inspirant de grands bassistes comme Marcus Miller, Richard Barbot et Joe Charles, Watson Joseph continue d’élever la musique haïtienne sur la scène mondiale. À travers ses collaborations et ses performances internationales, il reste un créateur assidu, un ambassadeur culturel et un modèle de persévérance.