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    Les communautés noires amènent ses pierres à l’édifice

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    Quasiment assurée d’un appui financier du gouvernement canadien – en attendant que d’autres paliers délient le cordon de leur bourse – la Société d’habitation des communautés noires (SHCN) s’apprête à lancer un chantier de 231 logements sociaux dans le quartier Saint-Michel.  

    Par Jean-Numa Goudou

    En plus de l’annonce officielle de sa création, la SHCN a présenté la maquette d’un immeuble de 231 logements, dont la moitié sera abordable, et l’autre moitié à caractère social. Il sera situé au coin des boulevards Crémazie et Saint-Michel en bordure de l’Autoroute 40, à Montréal. Il s’agit d’un projet de 120 millions de dollars, sur un terrain de 6813 m2. Il sera financé par les gouvernements fédéral et provincial, mais aussi par la Ville de Montréal et sera réalisé par la communauté noire, une première au Québec.

    Dans le cadre de sa mission de développer et de gérer du logement abordable et social, tout en favorisant l’inclusion sociale et l’égalité des chances en matière de logement, les dirigeants ont lancé ce projet majeur dans Saint-Michel, l’un des quartiers les plus pauvres au Canada. Même si le leadership est exercé par des Noirs, la SHCN se veut inclusive.

    « On veut des Noirs, des Blancs, des immigrants que cela reflète le quartier », dit le porte-parole de la Société d’habitation, Neil Armand. De plus, avec l’organisme Vivre Saint-Michel en santé, il est prévu d’aménager un jardin communautaire sur le toit de l’immeuble. La Société promet des logements de grande qualité à vocation sociale dans 50 % des cas, c’est-à-dire que les locataires paieront leur loyer avec seulement 25 % de leurs revenus nets.

     Grâce au PSL, le Programme de supplément au loyer, les responsables comptent financer la baisse du coût du loyer pour la moitié des logements. L’autre moitié, dont 115 logements, seront offerts à coût abordable : les locataires paieront 20 % moins cher que sur le marché locatif actuel.

    Le projet attend Québec

    L’immeuble comportera des appartements de toutes les grandeurs, selon les responsables, qui seront munis de 2, 3 ou 4 chambres à coucher dans 76 % des cas, selon le porte-parole de la SHCN, Neil Armand. De plus, l’immeuble profitera de 50 000 pieds de superficie commerciale.

    La SHCN se dit prête à démarrer le projet. Plus de la moitié du financement est déjà ficelée avec le gouvernement fédéral. Toutefois, la Société qui dispose de la balance hypothécaire fait savoir qu’elle attend Québec pour la première pelletée.

    « Les ingénieurs, les architectes, les plans sont très avancés, les études sont réalisées. À l’intérieur de 8 mois, on peut avoir les premières pelletées dans le cadre du projet », croit Neil Armand qui se dit « plus que sûr » que le gouvernement du Québec va bientôt bouger.

    Le projet vise à favoriser le vivre-ensemble. Il veut encourager les relations entre les différentes communautés qui forment le tissu social de Saint-Michel. Sur chaque étage de l’immeuble, il est prévu un espace pour aménager un salon communautaire où « les gens peuvent socialiser, regarder des matchs ensemble ».

    Politiciens ayant vécu le racisme en logement

    Pour plusieurs, ce projet de construction de logements abordables et sociaux arrive à point nommé. Avant de devenir députés, sénateurs et conseillers, entre autres, ils ont dû faire face à la discrimination eux aussi en matière de recherche d’un logis.

    « Au 8645, boulevard Pie-IX, à Montréal, c’est là où je suis arrivé avec mes parents dans un logement insalubre », révèle le député de Viau, Frantz Benjamin, lors du lancement de la Société à la Maison d’Haïti dans Saint-Michel.  Il a même décliné le code postal devant l’assistance. « Cela ne s’oublie pas », dit-il avec un peu de douleur dans la voix.

    « J’aurais aimé à ce moment-là qu’il y ait un projet comme cela », ajoute le parlementaire. La discrimination en logement est légion au Québec et cela ne date pas d’hier, souligne pour sa part la sénatrice d’origine haïtienne, Marie-Françoise Mégie. Elle est médecin à Montréal et vit, à l’époque, un divorce. « Je me suis dit que je vais louer un logement avec les enfants en attendant que je vende ma maison. Mais c’était la pire idée que j’avais en tête », estime aujourd’hui la Dre Mégie. Par téléphone, elle a pris rendez-vous pour visiter l’appartement. « Lorsque je suis arrivée, le propriétaire me demande : c’est vous qui avez appelé ce matin? Oui. Et bien… le logement est déjà loué », m’a-t-il dit, se souvient la sénatrice avant d’ajouter : « ça, je vous parle de 1988, pas loin dans le temps ».

    Un autre politicien, Philippe Thermidor, actuellement conseiller municipal à Montréal-Nord, a aussi témoigné de ses mésaventures en matière de recherche de logement. Arrivé à Montréal, après le tremblement de terre de 2010 en Haïti, avec sa mère et quatre frères et sœurs pour rejoindre son père, il dit que ce dernier a eu toutes les peines du monde à se trouver un appartement pour six personnes.

    Plaintes en hausse

    Le nombre de plaintes logées à la Commission des droits de la personne pour discrimination en logement reste stable. Au cours de la dernière année (du 1er avril 2022 au 31 mars 2023), la Commission a ouvert 77 dossiers d’enquête pour discrimination dans le logement contre 75 l’année précédente.

    – 9 dossiers correspondaient au motif « âge »,

    – 29 à la condition sociale, 5 à l’état civil, 2 à la grossesse, 12 au handicap, 1 à la langue, 1 à l’orientation sexuelle.

    – 17 dossiers concernaient la « race », la couleur, l’origine ethnique, ou nationale, 1 à la religion.

    Chômage et logement

    Selon l’Observatoire des communautés noires du Québec, la discrimination sur le marché du travail pousse les Noirs du Québec à surpeupler des logements locatifs. Par exemple, en 2016, le taux de chômage chez les personnes noires s’élevait à 13 %, contre 6,6 % dans la population blanche. Pourtant, 23,5 % de Noirs étaient surqualifiés, comparativement à 9,1 % de ceux non issus des minorités visibles.

    Selon Statistique Canada, en 2021, les Noirs étaient trois fois plus susceptibles que ceux faisant partie de la non-minorité visible de vivre entassés comme des harengs en caque.

    Bien que la situation ait évolué au cours des 15 dernières années pour passer de 30,5 % en 2006 à 15,1 % en 2021, trop de personnes noires font toujours face à ces difficultés, constate l’Observatoire des communautés noires du Québec dans son rapport rendu public lors du Sommet.  Chez les personnes de la non-minorité visible, on parle de 10,6 %.

    « Même si la proportion des personnes ayant un logement non abordable a diminué au fil du temps au Québec, les personnes noires restent plus susceptibles que les autres d’être concernées », fait remarquer la directrice de l’Observatoire, Bélinda Bah.

    Par ailleurs, le gouvernement fédéral a affirmé avoir conclu 179 ententes de logement avec des municipalités qui contribueront à la construction de 750 000 logements au cours de la prochaine décennie.

    Le ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, Sean Fraser, a déclaré que le gouvernement fédéral avait finalisé toutes ses ententes avec les municipalités via le Fonds pour accélérer la construction de logements, qui s’élève à 4 milliards de dollars.

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