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    Des artistes d’Ottawa-Gatineau entre le monde vivant et non-vivant

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    Par Max Robenson Vilaire Dortilus et Henri Elphège Quenum

    Dans le cadre d’une démarche ethnographique, le groupe « Voyage sensoriel », composé de cinq étudiants de l’École de Sociologie et d’Anthropologie de l’Université d’Ottawa, a exploré l’univers d’artistes Ottaviens-Gatinois. Cette initiative a abouti à l’exposition « Connexions Ekphrasis », commissariée par Max Dortilus et présentée à la galerie 115 de l’Université d’Ottawa du 2 au 6 décembre 2024.

    L’exposition a mis en lumière les créations de Joanne Migneault (sculpture), Chantal DesRochers (peinture), Marie-Ève Brulé (dessin), Welongo Ngena (écriture) et Erica White (tatouage). Les œuvres dévoilent des trajectoires intérieures et des relations singulières avec leur environnement, explorant de nouvelles façons d’être au monde. À travers leurs processus créatifs, les artistes partagent leurs pratiques, sensations et émotions, créant un dialogue entre art et vie, réel et imaginaire. Cette approche ethnographique invite à repenser les liens entre création artistique et milieu extérieur.

    L’assemblage de ces productions artistiques dans une même exposition laisse émerger des liens visibles et non visibles existant entre des catégories artistiques différentes. S’y dégage la connexion « ekphrasis » qui met en lumière « la parole issue de l’image : non pas celle que nous pouvons prononcer à propos d’elle, mais celle qu’elle nous propose ou suggère elle-même » (Nancy, 2015). Diverses connexions entre le réel et le surréel apparaissent en effet. La relation entre art et littérature est fortement explorée dans la sculpture de Joanne Migneault (Migno). Cette dernière, à partir d’objets assemblés, donne naissance à des personnages légendaires, comme Béatrice d’Hirson, la sorcière empoisonneuse qui est aussi un personnage important de la série de romans historiques français de Maurice Druon, Les Rois maudits.

    L’œuvre de Migno invite à voir au-delà du visible et constitue un récit visuel puissant harmonisant réel et imaginaire. Elle raconte aussi des histoires intimes de famille comme le visage moulé de son père.

    Chantal DesRochers, de son côté, fait le lien entre peinture, écriture et traditions orales. Elle s’inspire souvent de la poésie, des histoires de roman et des traditions orales pour produire son œuvre picturale dans un ton non réaliste rassemblant rêve et réalité dans un même cadre visuel. Sa peinture, marquée par une introspection profonde, invite à plonger dans les méandres de l’âme humaine pour en extraire des histoires partageables à tous.

    Welongo Ngena, pour sa part, choisit les mots pour interroger la notion de pouvoir d’agir face aux contraintes sociales et personnelles. À travers des textes évocateurs et provocateurs, il met en lumière les mécanismes de domination et ouvre des voies vers une libération individuelle, l’acceptation de la différence pour une société de tolérance mutuelle. Son écriture, ancrée dans la résistance et la transformation, rappelle que les mots peuvent être une arme puissante pour retrouver son autonomie et sa voix.

    Pour Marie-Ève Brulé, dessinatrice, l’éclatement des formes dans sa toile traduit une recherche de connexion avec des milieux divers. Son œuvre explore la tension entre chaos intérieur et besoin d’unité extérieure. Elle dessine des formes en déploiement et en devenir pour assembler des morceaux d’expériences humaines et non-humaines. Son art représente ainsi les manières dont la vulnérabilité peut nourrir une force créatrice et peut aussi établir des ponts vers autrui.

    Enfin, Erica White incarne l’art comme thérapie à travers ses tatouages. Ses créations, empreintes d’une douceur brute, reflètent un processus de guérison où la création devient catharsis. En transformant le traumatisme en objet d’art, elle montre que l’art peut être un outil de réconciliation avec soi-même, un chemin vers la résilience et l’apaisement intérieur.

    Ces œuvres artistiques abordent des thèmes tels que la résilience, le pouvoir d’agir et la quête de l’autre, s’inscrivant dans l’« art ethnographique » tel que défini par Fagnart (2008). Cet art, à visée documentaire et réflexive, explore l’autre dans son contexte culturel sans ambition utopique. Basé sur l’enquête de terrain, il interroge les relations entre art et culture, favorisant un dialogue ouvert et sans préjugés entre artistes et interlocuteurs. La communication artistique y joue un rôle central : un langage spécifique, irréductible à la communication linguistique, capable de transmettre des significations et des perspectives locales souvent inaccessibles autrement (Jeudy-Ballini et Derlon, 2017). En dépassant les simples représentations, l’art se révèle un acteur social puissant, porteur de transformations et de nouvelles visions du monde.

    Auteurs :

    • Max Robenson Vilaire Dortilus, doctorant en anthropologie visuelle (Université d’Ottawa)
    • Henri Elphège Quenum, doctorant en anthropologie de la religion (Université d’Ottawa)

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