Après deux années d’accalmies forcées par la pandémie de COVID-19, le Festival international Nuits d’Afrique a repris son envol dans le quadrilatère du Quartier des Spectacles. Treize soirées à la belle étoile et dans des espaces extérieurs où les festivaliers partaient à la rencontre des cultures d’Afrique, des Antilles et d’Amérique latine.
Les organisateurs de l’événement qui rend généralement le public hystérique ont rendu hommage à l’ambassadeur du reggae africain, Tiken Jah Fakoly. Le Prix Nuits d’Afrique pour la Francophonie lui a été attribué lors d’une cérémonie protocolaire qui a eu lieu, le 14 juillet 2022, à l’hôtel de ville de Montréal.
Cette récompense « célèbre l’immense talent et le rayonnement sans précédent du porte-étendard d’une jeunesse africaine qui a soif de liberté et de changement, précise le collectif derrière le festival. Après vingt-cinq ans de carrière, ce héros du reggae moderne est devenu le haut-parleur de tout un continent. »
La superstar, qui a ouvert le bal de l’événement ancré dans la programmation des festivités estivales de Montréal, s’est dittrès honorée de recevoir cet honneur. « Chaque fois que je reçois un prix, je me sens soutenu dans le combat difficile que je mène depuis vingt-cinq ans », a réagi Tiken Jah Fakoly.
Il a été, pour l’occasion, ému et reconnaissant à l’égard de l’équipe du festival qui s’est donné la mission de faire rayonner les musiques d’Afrique, des Antilles et de l’Amérique latine à Montréal et ailleurs.
« Nous, les artistes engagés, n’avons pas l’occasion d’avoir des prix en Afrique », se désole l’originaire de la Côte d’Ivoire, réputé pour sa discographie engagée. En entrevue à Radio-Canada, l’interprète de la chanson culte, « Ouvrez les frontières » a préféré le thème d’appauvrissement de son continent à celui de la pauvreté souvent évoquée dans les médias occidentaux.
« L’Afrique n’est pas pauvre du tout. (…) Les richesses sont [tout simplement] pillées », s’est indigné le chanteur dénonçant constamment les injustices sociales.
Tiken Jah Fakoly milite pour l’émancipation des peuples opprimés. Son engagement a été justement souligné par Dany Laferrière. L’écrivain et membre de l’Académie française, qui prendrait part à la cérémonie protocolaire, a aussi évoqué la ténacité de Fakoly qu’il a qualifié au passage de poète.
L’auteur de « Petit traité sur le racisme » a aussi évoqué l’immense contribution de Lamine Touré à l’ascension des cultures, entre autres africaines et caribéennes à Montréal. Président et fondateur des Nuits d’Afrique, Touré tapisse dans l’ombre, depuis près de quatre décennies, pour faire briller les artistes d’horizons divers.
« C’est un honneur pour Montréal, métropole francophone d’Amérique du Nord, de recevoir ce grand amoureux de notre ville, véritable icône de la musique africaine, et de lui remettre ce prix fort mérité », a dit, pour sa part, Dominique Ollivier.
Présidente du comité exécutif de la Ville de Montréal et responsable de la langue française, Mme Ollivier se chargerait aussi de tisser l’éloge du Festival international Nuits d’Afrique. « Merci de nous donner l’occasion de nous rassembler autour de valeurs communes et de célébrer l’ouverture et l’inclusion autour de la musique », a-t-elle déclaré.
En épluchant l’épais et appétissant programme des festivités qui se sont déroulées du 12 au 24 juillet au Quartier des Spectacles, nous avons recensé quelque 150 concerts et activités, plus de 700 artistes issus de 30 pays de l’Afrique, des Antilles et de l’Amérique latine.
Ce voyage multiculturel a rapproché les vedettes internationales, les artistes confirmés et les talents émergents. Ils ont ainsi produit lors de huit séries de concerts en salles et à l’extérieur. Le festival a mis aussi en évidence des voix exclusivement féminines par le biais d’un volet qui leur a été consacré.
Pour tempérer la controverse causée par la nomination suivie de démission d’une porte-parole blanche à la 36e édition de cet événement qui fait rayonner particulièrement l’Afrique dans la métropole québécoise, Lamine Touré a rappelé son approche. Celle de trouver « une façon pour que les Montréalais puissent vivre-ensemble, manger ensemble, s’amuser ensemble et dialoguer ensemble ».
En conquérant l’Amérique en 36 ans, le Festival international Nuits d’Afrique contient toutes ces vertus humaines.
| TOUTE L’HISTOIRE Créé en 2016, lors du 30e anniversaire du festival, le Prix Nuits d’Afrique pour la Francophonie est décerné à un artiste au rayonnement international qui incarne une vision rassembleuse de la Francophonie et de la diversité des expressions culturelles de l’Espace francophone international. Ce Prix met également en relief les valeurs universelles de paix, de coopération et de développement durable véhiculées par le festival et son fondateur Lamine Touré. Pour ce dernier, membre de l’Ordre des Arts et des Lettres du Québec (2022), membre de l’Ordre du Canada (2018), et Chevalier de l’Ordre national du Québec (2013); le vivre-ensemble prend tout son sens grâce à la capacité du festival de rassembler les publics, de tous âges et de toutes origines. Le Prix Nuits d’Afrique pour la Francophonie a été décerné à Manu Dibango (2016), Amadou et Mariam (2017), Sékouka Bambino (2018) et à Salif Keita (2019). |