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    Égalités !

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    Par Geneviève Vande Wiele Nobert

    Diplômée en études féministes de l’Université de Toronto (M.A., 2023), Geneviève Vande Wiele Nobert est la rédactrice invitée de la deuxième édition de COM1. Connue pour ses travaux de recherches centrés sur les enjeux d’immigration, de droits des réfugiés et de discrimination sociale, elle nous plonge dans la genèse, mais aussi la pertinence d’Égalité. L’amalgame entre la crise du logement et l’immigration y est allégué.  

    Égalités, série sur les inégalités sociales et raciales est le fruit d’une réflexion commune entre l’Observatoire des inégalités raciales au Québec (OIRQ) et l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS). Cette série a pour objectif de favoriser la réflexion et l’analyse afin d’impulser un esprit collectif critique et autocritique sur la question des inégalités raciales au Québec.

    Ces publications œuvreront à la promotion d’une société plus juste et égalitaire en offrant une meilleure compréhension des différentes manifestations, des causes et des processus à l’œuvre dans les mécanismes conduisant au racisme et aux discriminations dans notre société. Afin de déterminer le sujet du premier numéro, une rencontre de consultation avec les membres du comité aviseur de l’OIRQ a été organisée. Après une conversation fructueuse où plusieurs enjeux affectant les communautés racisées ont été explorés, le groupe est arrivé à un consensus autour de l’urgence que le discours associant la crise du logement à une augmentation de l’immigration pose. 

    Le premier numéro de la série Égalité se penche donc sur l’amalgame entre la crise du logement et l’immigration. En effet, notre étude révèle qu’en cinq ans seulement, l’utilisation des mots « immigration » et « logement » a explosé de 659% dans les journaux Le Devoir, Le Droit, La Presse et le Soleil. Cette statistique nous indique donc que plusieurs acteurs sociaux font un lien entre ces enjeux. Ainsi, ceux qui perpétuent cet amalgame se reposent généralement sur deux affirmations courantes. La première affirme que depuis 2019, le Québec et le Canada font face à une augmentation de l’immigration qualifiée d’extrême et dépassant leur capacité d’intégration, et la deuxième repose sur l’idée que l’immigration massive aurait entraîné une hausse de la demande de logements, dépassant largement la capacité d’offre du marché locatif.

    Pour déconstruire le premier mythe, il est toutefois important d’apporter quelques nuances. Les personnes souvent portées responsables de la crise sont les immigrants non permanents comme les travailleurs temporaires et les étudiants étrangers, qui représentent 2/3 du total des immigrants au Québec. Il est toutefois important de se rappeler que ces deux groupes d’immigrants ont été sélectionnés pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre du secteur privé et aux besoins des établissements scolaires et sont donc primordiaux au fonctionnement de la société québécoise.

    Le deuxième mythe, basé sur l’inadéquation de l’offre et de la demande en matière de logement, néglige quant à lui d’importants facteurs qui peuvent influencer l’offre de logements locatifs. Selon un récent rapport sur le marché locatif publié par la Société canadienne d’hypothèque et de logement, en 2021, le taux d’inoccupation des logements locatifs construits à Montréal au cours des trois années précédentes était de 4,2%, un taux beaucoup plus élevé que le taux d’inoccupation de l’ensemble des logements locatifs, qui était de 2,7%. Ce qui révèle aussi que les nouveaux logements en chantier ne contribuent pas réellement à résorber la crise, car ils ont tendance à rester plus souvent vacants, étant souvent plus chers que la moyenne des autres logements.

    Pourquoi ce discours ?

    Pour comprendre la popularité de ce discours, nous devons nous demander pourquoi les immigrants semblent se retrouver au centre des débats lors de moments de crises sociales. Pour mieux répondre à cette question, retournons un peu en arrière dans l’histoire du Québec, notamment lors de la Révolution tranquille. C’est à cette époque que l’élaboration d’une politique migratoire québécoise a commencé, mais elle ne s’est concrétisée qu’en 1978. Pendant ces années, le Québec a vu la provenance de son immigration se diversifier, incluant des pays non européens tels qu’Haïti, le Vietnam et le Maroc. Depuis le début, la politique migratoire du Québec a cherché à concilier l’intégration des nouveaux arrivants avec l’identité francophone québécoise, sans pour autant prôner l’assimilation.

    La survie de l’identité québécoise et de la langue française a donc été étroitement liée à l’immigration, ce qui s’avère conflictuel dans des situations où les immigrants sont perçus comme étant trop différents de la représentation dominante de la société québécoise. Nous avons déjà pu observer cela lors de la crise des accommodements raisonnables et du débat sur la laïcité entourant la Charte des valeurs québécoises de 2014.

    C’est dans des moments semblables que les immigrants se retrouvent marginalisés et racisés, ainsi que leur statut d’étranger est renforcé. L’atmosphère sociale créée par ces événements facilite l’utilisation des immigrants comme boucs émissaires de nos crises sociales.

    Recentrer le débat

    Il est donc essentiel pour nous de recentrer le débat sur les véritables enjeux de la crise du logement, qui trouve son origine principalement dans l’abordabilité des logements ou de leur accessibilité financière.

    Lors d’un groupe de discussion réalisé pour cette étude avec différents acteurs communautaires actifs dans le secteur du logement, un intervenant nous rappelait :

    « On voyait venir la crise actuelle puisqu’il y avait de nombreux ménages consacrant un pourcentage très élevé de leurs revenus au logement. Si les gens sont obligés de consacrer autant d’argent, c’est qu’il y a très peu de logements disponibles, ce qui pousse les propriétaires à augmenter les prix des logements. Donc, il y a un manque de contrôle que nous réclamons depuis des années. »

    Ainsi, pour arriver à des solutions politiques et sociales efficaces, démystifier les amalgames et recentrer le débat sur les véritables enjeux semblent indispensables. 

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