Un baccalauréat en sciences économiques de l’Université de Montréal (UdeM) et une maîtrise en gestion des entreprises sociales et collectives à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Marie Thurlie Clairvil avait un avenir professionnel tout tracé. Détour à des champs d’intervalle des diplômes, elle se révèle théâtrale !       

Théâtre, sa seconde nature

Mon parcours dans les arts de la scène, et plus particulièrement dans le théâtre, a été riche et varié. Mon aventure dans le monde du théâtre a commencé très tôt, bercée par une atmosphère artistique à la maison. Mon enfance était un véritable tourbillon créatif : spectacles improvisés, poésie, danse et musique représentaient le quotidien. Mon grand frère, Frantz Clairvil, jouait un peu le rôle d’agent de scène à sa manière, ajoutant une touche spectaculaire à nos performances. Grâce à lui, j’ai découvert la magie de la scène, apprenant à réciter des textes et à jouer de la musique.

Une rencontre marquante a été celle avec Daniel Marcelin à l’École Nationale des Arts à Port-au-Prince, où j’ai débuté avec une formation pratique de théâtre. Au départ, je me suis inscrite en section danse avec Vivianne Gauthier et Émerante de Pradines, mais rapidement, l’envie de m’exprimer par le théâtre a pris le dessus.

Sensibilisée à l’art dès l’école primaire, j’étais toujours la première à être désignée pour les spectacles. Une intervention sur scène, à l’exercice d’un art, me passionne toute la vie. Ces expériences formatrices ont instillé un goût de la comédie. Au fil des années, cette passion s’est transformée en un véritable engagement, m’amenant à explorer divers aspects du théâtre, que ce soit en jouant des rôles, en collaborant avec des metteurs en scène ou en participant à des projets communautaires. Le théâtre est devenu une seconde nature pour moi, un espace où je peux exprimer mes émotions et raconter des histoires.

En 2002, je me suis inscrite à l’Université de Montréal pour poursuivre ma formation en théâtre. J’ai suivi des cours d’interprétation pendant une année. Cette période a été décisive pour moi, car elle m’a permis de peaufiner mes compétences et de rencontrer d’autres passionnés. Depuis, j’ai toujours été en contact avec le théâtre, explorant divers projets et en favorisant les collaborations, et me nourrissant de chaque expérience.

Théâtre en contexte d’immigration

À mon arrivée à Montréal, le vide de la scène me pesant tellement, j’ai ressenti un fort besoin de me reconnecter à l’art. Je me suis donc tournée vers diverses rencontres culturelles qui m’ont permis de découvrir la richesse de la scène artistique locale.

Depuis lors, je me suis engagée auprès de plusieurs organisations culturelles, participant à des projets variés qui ont élargi mes horizons. J’ai eu l’occasion de collaborer avec des artistes de différentes disciplines et d’explorer des thématiques diverses au sein du théâtre. Ces engagements m’ont permis de tisser des liens précieux avec la communauté artistique et de contribuer à la vie culturelle de Montréal. Chaque expérience a renforcé ma passion pour le théâtre et m’a encouragée à continuer à explorer et à créer dans cet univers vibrant.

Engagement communautaire

Mon engagement communautaire s’étend bien au-delà des arts, touchant également des organismes sociaux. Depuis quatre ans, je préside le Comité international pour la promotion du créole et de l’alphabétisation (KEPKAA), l’organisme qui a initié le Mois du créole à Montréal. Cet événement, qui célèbre la langue et la culture créole, prend une ampleur mondiale, avec des activités organisées partout où se trouvent des créolophones. C’est un véritable honneur de participer à cette initiative et de voir son impact grandissant chaque année.

Je m’engage activement dans des projets qui visent à renforcer la visibilité et la valorisation de la culture créole, tout en favorisant l’alphabétisation et l’éducation. Cet engagement me permet de contribuer à des changements positifs au sein de la communauté et de promouvoir la diversité culturelle, ce qui est essentiel à mes yeux. Je crois fermement en la puissance du bénévolat et de l’engagement communautaire pour créer des liens et enrichir notre société.

Instigatrice de l’ICI

À l’initiative, Marjorie et moi, nous avons cofondé, en 2005-2006, Image Création Interprétation (ICI) comme troupe de théâtre, en echo à tous ces acquis que valent nos cotoiementt avec Daniel Marcelin au Petit Conservatoire. En 2012, nous avons officialisé ICI en tant qu’organisme, avec l’arrivée de Réginald Germain, ce qui a renforcé notre capacité à produire des œuvres théâtrales et à participer à des événements culturels.

ICI est devenu un acteur clé sur la scène culturelle montréalaise, participant à divers festivals comme le Festival des arts de Montréal-Nord, les Journées de la Culture et le Mois du Créole à Montréal. Nous avons également organisé des soirées de poésie et d’autres productions qui mettent en avant des textes et des voix créatives. Depuis deux ans, ICI collabore avec la bibliothèque d’Ahuntsic dans le cadre d’une activité culturelle intitulée Un livre, un auteur. Chaque dernier jeudi du mois, nous avons l’honneur d’accueillir un auteur pour discuter de ses œuvres.

Cette initiative permet non seulement de promouvoir la lecture et la culture littéraire, mais aussi de renforcer les liens entre les écrivains et le public. Les échanges qui en résultent enrichissent l’expérience des participants et favorisent un dialogue autour des thèmes abordés dans les œuvres présentées. Cette collaboration avec la bibliothèque d’Ahuntsic a été une belle occasion, pour ICI, de continuer à s’engager dans la communauté tout en célébrant la richesse de la création littéraire. Notre mission est de promouvoir la culture et l’identité créole tout en favorisant le dialogue interculturel.

Projets théâtraux

En plus de vingt ans sur la scène culturelle, j’ai participé à de nombreux projets de théâtre de Gladys Demosthenes. Avec L’École des femmes, de Molière, on retrouvait des comédiens comme Badiona Bazin. Cela fait vraiment longtemps!

Ces derniers temps, je me consacre davantage à l’organisation d’événements qu’à la performance en tant que comédienne. Mon dernier projet sur les planches était une présentation d’ICI en hommage à l’éminent écrivain Jacques Stephen Alexis assassiné sous la dictature des Duvalier. L’événement s’est tenu dans le cadre de la vingtième édition du Mois du Créole à Montréal.

J’ai également interprété Lucky dans En attendant Godot, de Samuel Beckett, mis en scène par Ralph Civil de la Compagnie Théâtre Créole. Et maintenant, j’explore d’autres avenues, notamment au cinéma. C’est toujours excitant de découvrir de nouveaux horizons artistiques et de continuer à nourrir ma passion pour la performance.

(Propos recueillis par Maryse St-Éloi)