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    Timothy Findley : « la guerre qui mettra fin à toutes les guerres »

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    Né à Toronto, le 30 octobre 1930, Timothy Findley, d’abord acteur, obtient son premier grand succès avec son troisième roman Guerres (1977). Celui-ci connaît en 1983 une adaptation au cinéma réalisée par Robin Phillipps avec Richard Austin et pour lequel il reçoit le prix littéraire du Gouverneur général. Évidemment, ce roman à la construction très élaborée autour de la vie palpitante du lieutenant canadien, Robert Ross durant la Première Guerre mondiale fait écho à la guerre en Ukraine envahie par l’armée russe depuis le 24 février 2022. Pour décrire cette vie de guerrier que l’armée envoya rejoindre la 30e batterie d’artillerie de campagne à l’entraînement à Lethbridge, Alberta, le 2 avril 1915, Timothy Findley qui est mort le 21 juin 2002, par besoin et par allégresse, fouille avec patience et application dans chaque élément de chaque archive, tente de recoller les morceaux, et finit par composer un portrait aussi soigné que possible de cette époque et de ces pays européens en convulsion.

    The Wars (Guerres), traduit de l’anglais par Eric Diacon qui s’ouvre sur une citation de Von Clausewitz, le grand théoricien des stratégies guerrières, est encore d’actualité pas seulement à cause de sa charge émotionnelle et spectaculaire. Sa construction n’est qu’une façon de nous attraper par le col pour ne plus nous lâcher : l’espoir se fait rare, le ton est désabusé, et pourtant se dégage de ce flot de thématiques complexes (la mort, la violence, l’amour, la démesure et l’absurdité de la guerre, l’enfance malheureuse, l’oubli) une énergie nimbée de lucidité. Car lire « Guerres », c’est ne pas savoir de quoi demain sera fait, pas plus que les prochaines années ou semaines. À l’image d’un scénario très rythmé, le style est sobre et brillant, et il séduit sans lassitude.

    Pour le romancier-enquêteur, digne représentant de la littérature canadienne anglophone, c’est bien un programme : chaque indice est un message, une précieuse information, et les recherches sur le personnage principal – il y a un tas d’autres personnages – concernent aussi bien son enfance à Toronto que les tranchées boueuses et jonchées de cadavres d’Ypres, dans les Flandres (France), sans oublier l’Angleterre avec son charme ineffable. Violé par des frères d’armes, puis sauvé miraculeusement lors d’un bombardement ennemi à Saint-Éloi, en Belgique, devenu déserteur après avoir « tiré une balle en plein front » du capitaine Leather à la suite d’un autre bombardement encore plus désastreux, Robert Ross, brûlé à mort et mis en état d’arrestation, mourut dans d’atroces souffrances en 1922. Quelques exemples des passages les plus poignants de cette fin de vie pleine de larmes : « À travers les barreaux [ on avait mis des barrières autour de son lit pour l’empêcher de tomber, car pendant son sommeil, il essayait parfois de se lever], je lui ai dit : « Si vous voulez, je peux vous aider. » À sa réponse, j’ai su qu’il avait compris. Il a simplement dit : « Pas encore ». Il aurait pu dire : « Non. » Il aurait pu dire : « Jamais ». Il aurait pu dire : « Oui. » Mais il a simplement dit « Pas encore. » Et ces deux mots, je crois, contiennent l’essence même de Robert Ross. Ou l’essence de ce que signifie « être vivant » (p. 291). Ou encore : « Il existe une photo de Robert et de Juliet prise peu de temps avant sa mort. Il porte un bonnet – une sorte de toque – tiré sur les oreilles. Il n’a pas de sourcils; son nez est déformé; et son visage n’est qu’une masse de tissu cicatriciel. Juliet lève les yeux vers lui, tandis que lui-même regarde l’objectif. Il tient la main de Juliet. Et il sourit » (p. 292-293).

    Au moment où la Troisième Guerre mondiale pointe probablement à l’horizon, au milieu de ces polycrises continentales et régionales récurrentes, le roman de Thimothy Findley, plein de va-t’en guerre – tels des moutons de Panurge –, débordant de cruauté et de folie collective, nous pousse à reconsidérer nos vieux démons et nos instincts bestiaux. Qui, à leur manière, disent forcément assez bien qui nous sommes : mortels et suicidaires.Thimothy Findley. Guerres, Bibliothèque québécoise, 2000.

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