Voici l’une des « cartographies » des lettres québécoises les plus ambitieuses et synthétiques, peut-on noter d’emblée. Initiée par Pierre Hébert, soutenue par Bernard Andrès et Alex Gagnon, cette odyssée entre les textes de la Nouvelle-France (1609-1774) et les auteurs du XXIe siècle qui a appliqué la  participation de plus de 150 collaboratrices et collaborateurs issus de quatre continents comprend 253 notices numérotées, ponctuées de nombreux encadrés et illustrations. Le travail est fastidieux en tous points. Il est même déroutant. Toutefois comble largement les attentes du lecteur insatiable ou du chercheur.  Mais comment cheminer dans ce labyrinthe de capsules, auteurs, et œuvres qui se divisent en trois grandes parties, elles-mêmes fractionnées en dix chapitres?

Pour ce faire, faisons appel aux trois principaux maîtres d’œuvre à la fois qui, trois années durant, ont travaillé avec la confiance des Éditions Fides et sans aucune subvention d’organismes universitaires : « Trois grandes perspectives et, démultipliées, autant de lectures balisent l’Atlas. On optera en effet soit pour l’« Histoire » (cette première partie) s’attache aux « capsules », aux auteurs et aux œuvres, de la Nouvelle-France à nos jours), soit pour les « Traversées » (la deuxième partie aborde différentes formes de littératures, des composantes de la vie littéraire, des figures et des thématiques); on trouvera enfin une section consacrée aux « Genres et marges » (régimes d’écriture, multimédiatisation, livres et art). Mais en tout temps, nous sommes invités à changer de cap au hasard d’une notice, chacune d’entre elles propose aux lecteurs, par un jeu infini de renvois, un certain nombre d’itinéraires à découvrir. On passe ainsi d’une vision macroscopique des lieux et des mouvements littéraires à une plongée microscopique dans telle œuvre ou telle forme d’écriture. Variations d’échelle et de découpages pluriels de l’objet littéraire : chacune et chacun sauront trouver dans cet Atlas le mode de lecture et le type d’excursion qui lui convient. »

Avec ses 496 pages, « Atlas littéraire Québec », publié en 2020 aux éditions Fides grâce au gouvernement du Canada et du SODEC, présente un panorama grandeur nature de la littérature québécoise dans toute sa densité et stimulant à savoir lorsqu’on l’aborde de front, sans l’aide d’ouvrages introductifs. Conçu sous forme attrayante, il fournit un index des noms fort précieux et une table des matières détaillée. Vraiment, du grand art! Les meilleurs spécialistes du Québec et d’ailleurs qui sont des « auteurs » pour la plupart d’essais décisifs sur un corpus ou un vaste sujet littéraire », tout en faisant découvrir les multiples fondements et caractéristiques de cet univers littéraire en évolution constante, « ont relevé le principal défi éditorial de l’ouvrage : la concision ». Qui dit concision dit réduction et, parfois, exclusion.  Tant d’éparpillement rend pourtant le lecteur stupéfait! On en sort ragaillardi, comblé, plus informé.  

Les codirecteurs de cette magistrale performance reconnaissent en toute honnêteté cette imperfection : « Y a-t-il des lacunes, des oublis, des silences discutables? D’autres notices auraient-elles pu être envisagées? Des auteurs injustement méconnus, des figures ou des phénomènes peu discutés auraient-ils pu trouver place dans cet Atlas? Oui, de toute évidence, et nous en sommes parfaitement conscients. » Voilà une œuvre indispensable, une pérégrination passionnante à la rencontre d’une littérature aussi foisonnante que dynamique, qui modifie en profondeur et avec étonnement la représentation que l’on se fait du Québec. Ainsi plus qu’un guide, c’est une bibliothèque qui est ici offerte en partage et avec sa riche mode d’emploi, établissant un solide pont entre l’histoire et l’impressionnant éventail de talents qu’en sont les multiples reflets. De là vient qu’il est indiscutablement instructif et incontournable.