Iran, Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix 2023, représente sans conteste l’une des expressions les plus emblématiques de l’état du féminisme actuel. Emprisonnée depuis 2021, ce sont les jumeaux de dix-sept ans de la militante iranienne des droits de l’homme qui ont reçu la distinction décernée à leur mère.
En marge de la Journée internationale des droits des femmes, le féminisme est à l’image d’un navire balloté par de mauvaises écumes. Si le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), António Guterres, lors de l’ouverture de la soixante‑huitième session de la Commission de la condition de la femme a appelé à des cessez-le-feu immédiats et à une aide humanitaire, c’est parce que les situations demeurent épouvantables aux quatre coins du globe. Les multiples témoignages des victimes tassées dans des camps et les données recueillies valent son indignation. Notre indignation!
Gaza, Afghanistan, Soudan, Proche-Orient, Haïti […] « Dans les zones de conflit du monde entier, ce sont les femmes et les filles qui souffrent le plus des guerres menées par les hommes ». Guterres est formel. Contrairement à la comptine, où le cantonnier et la cantonnière s’accusent mutuellement de pyromanie, en Haïti, la romancière Yanick Lahens s’en prend aux seigneurs de la guerre. Ces hommes lourdement armés, au nom d’une « révolution dont la finalité paradoxale serait un projet pour vivre-ensemble », font de la femme la première proie des violences de guerres.
Au Québec, des mères de famille, véritables tisseuses de la toile de la solidarité féminine, qui ne satisfont malheureusement pas aux conditions, sont victimes de l’inégalité d’accès à l’éducation : les portes des garderies subventionnées sont fermées aux enfants de demandeuses et de demandeurs d’asile. Ah! Si vous avez cru à une période de sénescence du féminisme, comprenez plutôt que c’est une course de relais.
Transmission générationnelle, militance sans entracte etcombats sans césure. Voyez la mère, l’épouse et la fille d’Alexeï Navalny. Trois générations de femmes mues par la conscience d’un monde sans violence.
En cette circonstance, COM1 célèbre un parcours riche de conquêtes et d’avancées, mais pauvre en médiatisation des problématiques, souvent gommées, qui touchent les femmes noires et d’autres communautés racisées.
Cette édition 100 % féminine de COM1 met en lumière le travail méritoire de femmes, constantes dans leur refus de céder à l’humeur du temps, qui donnent des ailes et de la force à l’humanité. Ces femmes nourrissent cette force pour aller plus loin.
Trente-deux pages sont dédiées à l’expression des plus opprimées et des plus exploitées qui ne sont pas toujours saluées et récompensées à la hauteur de leur mérite. Cette dédicace est portée, certes, sur le plan de la gratitude, mais surtout par souci d’équilibre, car la question des femmes doit continuer à hanter les esprits. Autant que faire se peut, nous devons rendre justice aux femmes, à leurs contributions et à leurs savoirs. Elles sont encore nombreuses dans ces sphères où on trouve seulement des apax sur les femmes racisées. Il était une fois… Mais on salue celles comme Garihanna Jean Louis, Claudine Gay… qui ont repoussé ces idées mal reçues et ont résolu de foncer dans les portes entrebâillées ou pire celles fermées à multiples verrous.
Nous proposons pour vos lectures une deuxième édition thématique 100 % féminine de notre trimestriel qui évoque les femmes, les femmes racisées qui méritent d’être reconnues pour leur résilience, leurs qualités si éminentes et leurs services rendus. L’égalité étant en marche, la lutte doit continuer pour qu’elle soit totale de manière à vider de l’intersectionnalité la combinaison des diverses oppressions qu’elles supposent.
À ceux qui s’attèlent à perpétuer la tradition misogyne, COM1 oppose ceux et celles qui persévèrent dans l’ouverture.
Une existence qui a trop de poids!