Dès qu’une tragédie ou un féminicide sape les droits des femmes, on se rappelle que le féminisme est plus qu’un mot d’ordre, plus qu’un thème de campagne, bien au-delà des clivages idéologiques de gauche comme de droite. Indubitablement, plus qu’une doctrine, plus qu’un mouvement politique, plus qu’un ensemble d’idées. Il s’agit d’une exigence pour une société équitable, un combat quotidien à ras-le-Patriarcat.
« On l’a vu aux États-Unis : la volonté d’un seul homme peut entraîner un revirement de situation. » Albane Gaillot résume malheureusement trop bien la fragilité des droits des femmes. Cet électrochoc a mis la France sur ses gardes. Cinquante ans après la dépénalisation de l’avortement, pour revêtir le droit à l’IVG de son caractère fondamental, les législateurs l’inscrivent dans la Constitution française.
Au Canada, chaque 6 décembre, on commémore la tragédie de l’École Polytechnique depuis trente-et-un ans. En 2022, on dénote quatorze féminicides et six filicides, en moins de deux mois, au Québec. Nous étions si confiants que les sociétés ne peuvent pas reculer, qu’on s’est réveillés brutalement le 24 juin 2022, en 1973. Analepse… un droit qu’on croyait acquis. Effroi, colère d’un recul historique, pour La Cour suprême des États-Unis qui a enterré le « Roe v. Wade », interdisant ainsi le droit légal à l’IVG aux Américaines. Comme si l’adoption du droit à l’avortement venait avec une garantie conventionnelle et constitutionnelle de cinquante ans! La honte.
En Haïti, un panorama plus sombre s’étend! Des fillettes de moins de dix ans ou des femmes âgées ne sont pas épargnées de viols, d’agressions et d’abus sexuels déferlants. Elles sont nues face aux gangs. Quotidiennement, à la une comme aux faits divers, ces violations itératives du droit des femmes valent plus que des arguments sur la pertinence d’une militance permanente. C’est vrai que la pédagogie des catastrophes peut permettre de secouer les consciences, mais on ne doit pas les souhaiter. « En aucun cas, les femmes ne peuvent pas être plus écoutées mortes que vivantes ». Toutes les femmes.
Oui toutes, car la vision traditionnelle qui convoque le féminisme à répondre aux simples besoins matériels, à la lutte de classe est dépassée. D’Haïti au Canada, d’une femme racisée à une autre, nos besoins ne sont pas satisfaits de la même manière. Racisées ou non racisées, nous ne sommes pas égales face aux discriminations. Ce qui est à la fois urgent et incontournable pour nous, c’est de monter en offensive contre le patriarcat, terreau fertile à l’oppression. On ne peut pas faire avancer la cause sans faire gicler son potentiel intersectionnel. Les codes de couleur devraient suffire à la lessive. Faisons dégorger les pigments!
Nous voici avec un numéro 100 % féminin, parce qu’il faut amplifier la voix des femmes sans traitement d’exception. Au Canada, les femmes noires même mieux formées sont encore plus discriminées à l’emploi! Une anomalie récurrente documentée par Statistique Canada.
La présente édition de COM1, parue en marge de la Journée internationale des femmes 2023, est une grande première. C’est notre premier numéro thématique depuis le lancement du magazine. Tout à notre honneur de joindre notre plume en soutien à la militance contre tout ce qui est dévoreur du bien-être collectif : les femmes comprises.
Chaque page de ce numéro est un gage aux questions de genre, au féminisme de façon honnête… du point de vue des personnes dominées pour sensibiliser sur les méfaits du patriarcat et faire infléchir la tendance. La lecture de notre magazine est urgente pour les vérités qu’il révèle.
Trente-deux pages sont dédiées à l’expression des plus opprimés et des plus exploités. Il n’y a pas lieu d’être surpris, mais de solides raisons de résister.