Aux yeux d’une chef de file du milieu communautaire, il n’y a rien de plus satisfaisant que de voir une collectivité prendre la tangente des aliments nutritifs. Ou encore d’inciter de jeunes mères célibataires à reprendre leurs études compromises par une rupture familiale ou l’apprentissage de la vie parentale. Il y a vingt ans, Brunilda Reyes décide d’amorcer la lutte contre l’insécurité alimentaire à Montréal-Nord. Portrait d’une authentique entrepreneure sociale.

Née au Chili en 1956 et mère de quatre enfants, Brunilda Reyes possède un parcours atypique où l’implication sociale, la lutte contre les injustices et l’accompagnement des plus démunis ont toujours été au centre de ses actions. Élevée par une famille monoparentale avec la mère et ses trois filles, Brunilda a grandi dans un milieu rural modeste où la politique était omniprésente et où l’implication sociale dans son église et dans d’autres groupes communautaires était quotidienne.

Après ses études secondaires, elle a choisi l’administration et a commencé sa carrière au sein de la police chilienne. Ce sont des années de dictature et ses valeurs ne cadrent plus avec les actions de ses collègues. Le jour, elle travaille pour l’état et le soir venu, avec son mari, elle participe aux actions de résistance et de lutte contre la dictature en place.

En 1985, elle et son mari ont été obligés de quitter le pays en compagnie de leur fils pour un premier exil en France. Ils y passeront dix ans, durant lesquels Brunilda effectue ses études en travail social et continue son apprentissage du milieu de l’action bénévole. C’est en France qu’elle découvre les Restos du Cœur qui seront la base de son action au Canada plusieurs années plus tard.

Second exil

En 1990, la dictature au Chili prend officiellement fin et le désir de revenir est trop fort pour la famille. Ils décident alors de revenir au Chili en 1994 et s’installent avec un restaurant dans le village de son enfance, Villa Alemana. Malheureusement, le régime avait changé, mais pas les habitudes et Brunilda, son mari et ses trois enfants à l’époque n’ont d’autre choix que de partir en exil à nouveau. En 1985, lors de leur premier départ, le Canada était une option qui n’avait pas été possible. En 1995, Brunilda et sa famille ont décidé de revenir à ce premier choix et sont partis pour le Canada.

Donc, en décembre 1995, Brunilda et sa famille ont débarqué à Montréal en espérant trouver dans la société d’accueil plus de justice et d’égalité. Son intégration était très rapide, facilitée par la connaissance de la langue française et l’âge scolaire de ses enfants qui l’amènent à s’impliquer très rapidement au sein du conseil d’établissement et de l’église de son quartier. Quelque temps plus tard, elle s’impliquera bénévolement au niveau politique afin de dénoncer les injustices et de travailler à la mise en place de meilleures politiques de lutte à la pauvreté.

Lutte contre la pauvreté

En effet, la principale surprise de Brunilda en arrivant au Québec a été de voir le niveau de pauvreté de certains et surtout d’être témoin des problèmes de nutrition dans les milieux défavorisés, particulièrement à Montréal-Nord, où elle s’est installée avec son mari et leurs enfants en 1997.

C’est alors que le rêve d’aider ses concitoyens à mieux se nourrir et à mieux s’outiller pour réussir commence à germer. Elle s’inspire alors des Restos du cœur qu’elle avait découvert en France pour développer le concept des Fourchettes de l’espoir, un organisme en support alimentaire et réinsertion sociale dont elle sera la co-fondatrice et la directrice générale depuis 2001.

Grâce aux Fourchettes de l’espoir, Brunilda deviendra une leader incontournable dans le milieu communautaire montréalais. Son implication dans la lutte à la pauvreté et contre la faim est reconnue par de nombreux organismes tels que Centraide, les œuvres du Cardinal Léger ou la Fondation Québec jeunes qui l’appuieront au courant des 16 dernières années. Jusqu’à l’éclosion de la pandémie de COVID-19, Les Fourchettes de l’espoir a servi plus de 150 000 repas, formé des centaines de jeunes à leur première expérience de travail, aidé des milliers d’enfants à découvrir la cuisine et encourager des milliers de citoyens à prendre leur vie en main en passant par l’alimentation. De 2021 à cette fin d’année, les employés et bénévoles de l’organisme parviennent à préparer 34 368 plats destinés à la collectivité.

Soutien aux jeunes mères célibataires  Elle poursuit aussi son action en contribuant à l’intégration des jeunes sur le marché du travail. D’ailleurs, en 2010, elle fonde aussi « Un Rayon de Soleil », un projet de logement social pour de jeunes mères célibataires qui retournent aux études et auxquelles elle offre un milieu de vie propice à la réussite. Si Brunilda n’avait qu’un souhait à voir se réaliser, ce serait de perdre son emploi et devenir complètement inutile. Cela voudra dire que la pauvreté n’existe plus et qu’elle a réussi à accomplir sa mission. D’ici là, de nombreux défis sont encore à relever et, elle et son équipe se concentreront sur la poursuite de leur lutte.