Par Jean-Bart Souka
L’esclavage est dissout en Haïti depuis plus de deux siècles. L’abolition de ce système aux États-Unis date de 1865. Pourtant, des afrodescendants et des afrosdescendantes subissent encore les séquelles tant physiques que psychologiques de ce crime contre l’Humanité. « L’esclavage : quel impact sur la psychologie des populations? ». Ce thème fait l’objet de tout un essai signé par Aimé Charles-Nicolas, instigateur de l’un des premiers colloques francophones sur la transmission intergénérationnelle des traumatismes psychologiques, en 2016, en Martinique.
Aujourd’hui, les legs de l’histoire coloniale et esclavagiste axée sur l’appât du gain perpétuent en Amérique du Nord. Les traces de ce triste temps sont si profondes qu’elles affectent même les milieux médicaux. Par exemple, le réseau de la santé du Québec, non immunisé de ce virus contagieux, peine à traiter ses maux et sert d’appât à certains téméraires.
Les nombreux germes de cette injustice préoccupent particulièrement la communauté autochtone qui ne veut pas baisser les bras. Interpellé, le Collège des médecins du Québec (CMQ) concède même l’existence du racisme systémique dans le réseau de la santé de la province.
« Ensemble, reconnaissons ce qui doit l’être, dénonçons le racisme systémique, et posons des gestes qui appuieront cette posture et permettront de le combattre », recommandent le président du CMQ, Mauril Gaudreault, et le grand chef de la nation atikamekw, Constant Awashish dans une lettre conjointe parue dans La Presse. L’ordre professionnel enjoint ainsi le gouvernement québécois à reconnaître cet enjeu dans la province.
Pour instaurer l’approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux, le projet de loi 32 est à l’étude au parlement québécois.
Dans le même temps, le plaidoyer se poursuit pour l’adoption du « Principe de Joyce » qui vise à garantir aux Autochtones « un droit accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé, ainsi que le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle ». C’est indispensable!
Le racisme et l’intolérance ne s’observent pas que dans la rue ou à l’école, examine Dre Annette Epp, présidente de l’Association médicale de la Saskatchewan. Cette forme d’hostilité violente est si récurrente dans le milieu médical que le Dr Adeyemi Laosebikan, d’origine nigériane, est devenu habitué aux commentaires racistes qu’il reçoit à son travail : « J’ai vécu certaines situations au cours de ma formation. Je pense qu’il est important que les étudiants en médecine, les résidents et tous ceux qui suivent une formation médicale aient confiance en eux. »
La Clinique juridique de Saint-Michel (CJSM) sert aussi de rempart solide contre le « racisme médical » au Québec. Les témoignages de patientes et de patients victimes de racisme sont si accablants que Me Fernando Belton, président de la CJSM, allait chercher du papier-mouchoir. Les victimes versaient des larmes. « Les traumas sont encore trop importants », se désole-t-il.
L’esprit mercantile du racisme est issu de la période coloniale. Oui! Tout a commencé en Amérique, il y a quatre cents ans avec le commerce d’esclaves. Les récentes études sur la pensée « décoloniale » en fournissent une riche source d’information pertinente. « Le racisme est un virus », écrit l’écrivain Dany Laferrière.
Ici, je reconnais que le milieu médical n’est pas le seul terreau fertile au racisme. Dans toutes les crises (racisme écologique, profilage racial, racisme systémique, changements climatiques, etc.), ce sont les personnes marginalisées qui subissent les pires conséquences. Heureusement, des mouvements sociaux, comme Black Lives matter, favorisent une prise de conscience de l’histoire coloniale en Amérique du Nord et ailleurs.
Le racisme témoigne d’une inquiétante régression de la santé mentale collective. Que peut-on espérer? Que le milieu médical se serve de réflexions longuement mûries et issues de divers secteurs, et de leurs tiennes aussi, pour se guérir de cette peste.
Prompt rétablissement à ce système malade de son racisme!