Par Jean-Bart Souka

Météorite de l’ancien orchestre Krezi Mizik et de CaRiMi, Michaël Benjamin s’est éteint, le soir du 15 octobre 2022. En plein concert à l’Accor Arena de Paris. Foudroyant et paradoxal?

C’est aussi glaçant pour un dernier tour de scène impromptu de la star de la chanson créole. Invité au concert des retrouvailles du groupe konpa CaRiMi, Michaël Benjamin a mis Accord Arena, anciennement Bercy, à ses pieds.

Toujours avec la même verve joyeuse, le drapeau haïtien autour du cou, le surnommé Mikaben a permis à quelque 10 000 personnes de redécouvrir, en direct, des perles comme Ou pati ou Baby I Miss You avant de marcher vers la mort. Front haut, regard vif, sourire de condottiere. Il est question d’amour, de dignité, de pudeur, de deuil… De soif de vivre aussi.

L’euphorie de l’événement qui aurait dû être la célébration d’une réunion, après six années d’explosion, de l’un des plus populaires orchestres konpa des deux dernières décennies se transforma indubitablement en hallucination.

L’onde de choc est suivie d’une pluie d’hommages célébrant la vie et la carrière de celui qui a su contribuer à la cure de jouvence des sonorités afrocaribéennes. De nombreuses personnalités d’Haïti, des Antilles ou encore de Montréal où Michael Benjamin a fait des études secondaires et universitaires ont ainsi convenu de lui rendre hommage.

Pour l’animateur Carel Pedre : « C’est l’un des artistes les plus talentueux de sa génération ». Wyclef Jean, rappeur de renommée internationale, éprouve le même sentiment.

Journaliste et critique musical, Ralph Boncy met en évidence l’empathie de l’homme décédé à 41 ans : « C’était le type le plus sympathique, le plus avenant, dans l’industrie musicale haïtienne, il n’a jamais la grosse tête. Il était arrivé sur la scène comme une bouffée de fraîcheur, avec sa petite guitare et ses petites chansons toutes simples qui parlaient au public ».

Fils du courageux Lionel Benjamin, remarquable de séduction et de productivité, Mikaben se distingue par sa polyvalence musicale ainsi que sa plume féconde mise souvent au service des autres. Un tel talent a nécessité un environnement familial pour s’épanouir. Le même sentiment. Le sens de l’animation, son rapport avec les nouvelles technologies, sa formation musicale avérée n’étaient d’ailleurs pas étrangères au succès éclatant de l’artiste, puisqu’ils lui permettaient de mettre en valeur ses inspirations puisées dans la réalité.

La comète s’en est allée. Sans laisser la scène. Ni le symbolisme haïtien qui l’enveloppait tel un linceul. En pleine lumière et avec son empreinte sur quatre albums solos et de nombreuses collaborations avec des vedettes internationales comme Elephant Man et Kevin Little.

Certaines de ses compositions dont Ayiti se illumine l’univers musical. Poignante, cette chanson a ému, pour la première fois, les Haïtiens commémorant le 12 janvier 2012 – année de sa parution – le deuxième anniversaire du meurtrier séisme provoquant un traumatisme collectif en Haïti. « Mika [avait interprété] pour la première fois sur une grande scène son chef-d’œuvre », se souvient le réputé auteur-compositeur – musicien – journaliste – producteur Jean Jean-Pierre. Ce fut au mausolée des victimes du tremblement de terre construit à Titayen, au nord de Port-au-Prince.

Chansons d’amour et engagées font bon ménage dans l’œuvre musicale de Mikaben. Celle-ci reflète à la fois cette diversité qui caractérise son talent et l’esprit de son temps. Prompt à repousser les limites de l’âge et de l’acquis, il avait donc trouvé les clés de son style et, conséquemment, de la société.

Photos: Charly Amazan contact@amazancharly.com