Dans ce livre-album paru en automne 2022, Chloé Sainte-Marie et Jean Morisset parviennent à réunir l’histoire, les langues et les territoires des peuples des Amériques, du haut arctique à la Terre de Feu, pour une « déconquête triomphante ». Quatorze langues y cohabitent.
Pour les besoins de son projet Maudit silence qui se décline désormais en livre-album, Chloé Sainte-Marie a pas mal bourlingué dans la région de l’Amérique du Sud. Sa quête identitaire l’a aussi amenée en Haïti pour échanger avec « des hommes et des femmes portant les accents et la parole de leur territoire, observe Valérie Lessard de Radio-Canada. Si elle chantait déjà en français et en innu, Chloé Sainte-Marie voulait aussi faire entendre toutes ces autres langues, du maya au guarani en passant par le créole, témoignant de l’histoire des trois Amériques, d’hier à aujourd’hui. »
Interrogée sur comment elle a su mettre en bouche ces textes écrits en diverses langues, la Québécoise évoque la base lexicale française du créole haïtien : « C’est la même chose que le français. Si on fait attention, ce sont les mêmes mots, c’est la même musique, c’est une façon différente de l’écrire, mais quand tu l’entends, tu comprends tout! Les langues latines, c’est facile. J’ai quand même pris des coachs. J’ai travaillé avec Flavia Nascimento pour le portugais. Ça me permet des rencontres, et ça crée des amitiés avec des chanteurs, avec des interprètes. Tout le groupe Rara Solèy, qui chante sur l’album les quatre poèmes haïtiens avec moi : ils ont été extraordinaires. C’est en chantant ces langues-là que je les ai rencontrés. Je ne les aurais jamais connus autrement. Et eux, ils chantent en français, ils chantent mes chansons. On se passe nos sonorités pour s’enrichir. »
À la question d’une supposée appropriation culturelle d’autrui, la chanteuse répond : « James Noël, ce grand poète [haïtien], quand je lui ai demandé des textes, il m’a dit oui, mais j’ai dit : Je veux les chanter en créole haïtien, ta langue ! Alors, il n’y a pas d’appropriation. Il y a un beau mélange de paroles, de langues, de sonorités. Ce sont des sonorités, au fond, gustatives qu’on donne aux gens à entendre. On a voulu, Jean Morisset et moi, et Joséphine Bacon et James Noël, communiquer cette nécessité de chanter les langues [pour qu’elles] ne meurent pas. Alors, on a un devoir de se les approprier pour les passer à nos enfants, à nos petits-enfants, à nos frères. C’est vraiment ça que moi, en faisant Maudit silence, j’ai voulu transmettre. »