Après avoir œuvré deux décennies dans les milieux universitaires et médiatiques, Mohamed Fathallah importe l’humour maghrébin à Montréal. Son Festival maghrébin du rire promeut une ironie tirant sa force dans l’autodérision, le sarcasme et la caricature de certains faits sociaux.

Arrivé de sa Tunisie natale, il y a plus de deux décennies, Mohamed Fathallah a fait des études de premier et de deuxième cycles en finances à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) et à Paris Dauphine, en France.

Après avoir enseigné à son alma mater, UQÀM, et à la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (nouvellement appelée, Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys), il a créé, en 2008, une entreprise événementielle vouée à la communauté tunisienne de Montréal. « J’ai amené bénévolement, ici, des artistes et créateurs de l’État d’Afrique du Nord pour des événements axés sur le théâtre et le cinéma spécifiques au pays bordé par la mer Méditerranée d’un côté et par le désert du Sahara de l’autre », précise Fathallah en entrevue à COM1. Une décision qui vaut vocation pour l’homme devenu une figure incontournable pour la diaspora maghrébine de Montréal.

Sept années après, il a investi la sphère médiatique avec beaucoup de ferveur, en créant une série de médias, dont Radio Maghreb faisant rayonner les cultures maghrébines et algériennes. La radio amplifie ses multiples activités culturelles. Ainsi, Montréal a vu naître, en 2022, le Festival maghrébin du rire. L’année suivante, l’entrepreneur a répété avec succès la même recette pour l’organisation de la deuxième édition.

« L’idée a germé en moi lorsque je travaillais comme producteur exécutif au Festival juste pour rire en Tunisie, entre 2016 et 2017, se remémore l’importateur de l’humour maghrébin. Je nourrissais, alors, l’envie de créer un événement similaire, mais typique aux pays maghrébins (Algérie, Maroc et Tunisie) pour promouvoir davantage la langue française, la diversité et le vivre-ensemble à Montréal, et mettre surtout en évidence le rire des pays du soleil couchant. »

À l’édition 2023 qui s’est achevée, mi-mai, à l’Auditorium Patro Villeray de Montréal, les comiques ont distillé avec jubilation un humour propre à eux. L’empreinte de cette forme d’esprit affiche une propension marquée à l’autodérision, voire le sarcasme et la caricature de certains faits sociaux.

« On ne se moque pas de la religion »

Chaque communauté a sa culture, ses mœurs et aussi ses façons de rigoler. L’humour maghrébin sert de ses éléments pour en faire une identité, explique Fathallah. Néanmoins, nuance l’entrepreneur : « on ne se moque ni de la religion ni de la politique à ce festival décapant et déjanté ». Bien que les comédiens et les humoristes, esprits extravertis sur la scène, détestent généralement la censure, ou encore l’autocensure, ils accommodent leurs spectacles au goût du concepteur de l’événement.

Pour ne pas sombrer dans l’excès et dans l’exagération, « l’organisation du festival discute, avant les spectacles, avec les acteurs de certains enjeux. La religion et la politique sont donc des lignes à ne pas franchir », poursuit notre interlocuteur. L’essentiel, en fin de compte, c’est que les humoristes ont su trouver les mots, les thèmes, les intonations et les mimiques pour conquérir le public et en riant d’eux-mêmes.

Ouvert aux régions

Après deux éditions, Mohamed Fathallah, débordant d’enthousiasme, cherche à pérenniser le festival. Et pour continuer à jouer pleinement son rôle de promoteur de l’humour maghrébin, le natif de la Tunisie met déjà le cap sur la prochaine mouture de l’événement. Celle-ci se tiendra pour la première fois à Montréal, au Québec et à Gatineau, en mai 2024.

Des comédiens et des artistes issus de sept pays (Algérie, Belgique, Canada, Congo, France, Maroc et Tunisie) ont pris part, cette année, au festival rassembleur et festif. À cela s’ajoutent des humoristes de la relève. « Nous œuvrons encore plus pour promouvoir la culture maghrébine, ainsi que la francisation au Québec », s’engage l’homme d’affaires qui a donné les premières impulsions à l’humour maghrébin à Montréal.