Le 8 mars est consacré par l’Organisation des Nations unies (ONU) à la Journée internationale des femmes. D’autres pays, comme la France, l’appellent plutôt la Journée internationale des droits des femmes. C’est le cas également du Québec où, le 8 mars, on commémore la lutte pour les droits des femmes et la fin des inégalités par rapport aux hommes. Et pour cause! C’est cet angle précis qui est abordé dans ce texte.
Par Thomas Lalime
Pendant trop longtemps, les droits des femmes ont été bafoués. Un effort de rattrapage a été entrepris dans de nombreux pays, mais les femmes noires demeurent négligées et très discriminées dans le monde. Qui pis est, la situation reste encore assez alarmante au Canada, particulièrement sur le marché du travail.
En février 2020, Statistique Canada a publié un document intitulé « La population noire au Canada : éducation, travail et résilience » qui le démontre clairement. D’abord, les études montrent que le taux de chômage des Noirs est beaucoup plus élevé. Parmi ces études, on peut citer le rapport sur l’omniprésence du racisme anti-Noir au Canada : l’état actuel et comment y remédier (1), publié en décembre 2020 par les auteurs Nan DasGupta, Vinay Shandal, Daniel Shadd, Andrew Segal, en collaboration avec l’organisme CivicAction.
Les résultats sont répartis en quatre catégories : développement des enfants et des jeunes, possibilités d’emploi et soutien du revenu, santé et services communautaires et finalement les services de police et le système judiciaire. À la question de savoir pourquoi le taux de chômage est plus élevé chez les Noirs, les rapporteurs affirment : « Parce qu’au Canada, ils font face à de nombreux défis et obstacles systémiques dans le processus d’embauche. Même lorsque le niveau d’expérience des Noirs est comparable à celui des candidats non noirs, les préjugés systémiques font en sorte qu’il est plus difficile pour les candidats noirs d’obtenir des postes pour lesquels ils sont qualifiés ».
Une autre étude citée par le rapport, menée à Toronto, a montré l’ampleur de ce biais. Cette étude utilisait le même curriculum vitae et la même lettre d’accompagnement, avec seulement deux différences : si le demandeur avait un nom à consonance blanche ou noire, et si le demandeur mentionnait qu’il hérite d’un casier judiciaire dans la lettre d’accompagnement. Les résultats ont prouvé que parmi ceux qui n’avaient pas de casier judiciaire, le CV « Blanc » a reçu trois fois plus de rappels que le CV « Noir ». Lorsque les deux candidats ont indiqué un casier judiciaire, la différence des embaucher un candidat blanc avec un casier judiciaire au lieu d’embaucher un candidat noir qualifié.
Lorsque les Noirs réussissent à trouver un emploi, poursuivent les auteurs du rapport, le racisme systémique sur le lieu de travail peut aboutir à un plafond de verre.
« En plus de devoir faire face à des micro-agressions et de devoir changer de code, les employés noirs ont de faibles taux de parrainage et découvrent des préjugés cachés dans les processus de promotion », indiquent les rapporteurs.
Ce changement de code est défini comme le fait par une personne de changer la façon dont elle s’exprime lorsqu’elle côtoie des personnes non noires sur le lieu de travail. Les résultats montrent que les dirigeants noirs occupent moins de 1 % des postes de direction et des sièges au conseil d’administration des grandes entreprises canadiennes.
En ce qui a trait aux possibilités d’emploi et au soutien du revenu, le rapport révèle que le racisme sur le marché du travail crée des obstacles à l’emploi et entrave la progression de carrière des Noirs. Selon une statistique qui date d’octobre 2020, le taux de chômage des Canadiens noirs était de 5 points de pourcentage plus élevé que celui des Canadiens qui ne font pas partie d’une minorité visible : 11,7.
Outre ces discriminations contre les Noirs, les femmes noires doivent faire face à des types de préjugés et de contraintes liés au fait d’être femme. Les données publiées par Statistique Canada montrent que le taux d’emploi était le plus faible chez les femmes noires âgées de 25 à 59 ans, d’environ 4 points de pourcentage par rapport aux femmes dans le reste de la population, environ 75 % en 2016.
Les hommes noirs du même groupe d’âge avaient un taux d’emploi supérieur (78 %) aux femmes noires et blanches. Tandis que les hommes blancs jouissaient d’un taux d’emploi beaucoup plus élevé, environ 83 % en 2016. La situation s’avère davantage préoccupante quand on regarde les mêmes groupes par rapport au taux de diplomation postsecondaire. Les femmes noires étaient clairement celles qui ont eu le pourcentage de diplomation le plus élevé pour les études postsecondaires pour toute la période considérée, de 2001 à 2016. Le faible niveau d’emploi ne saurait être attribué à un plus faible niveau d’éducation. Qui pis est, le salaire médian des femmes noires se situait autour de 35 000 dollars canadiens en 2015, comparé à 40 000 pour les femmes dans le reste de la population, 41 000 pour les hommes noirs et 56 000 pour les hommes blancs. L’inégalité s’avère criante. Ne s’agit-il pas d’une violation des droits des femmes noires?